Histoire
de l'Ordre de Grandmont:
Un
ordre érémitique communautaire.
L'Ordre
de Grandmont s'inscrit dans le renouveau du monachisme aux XIe et
XIIe siècles. Une élite spirituelle rejetait à
cette époque la vie monastique installée dans le
confort matériel et recherchait la solitude pour la prière
et la contemplation, à l'exemple des ermites des premiers
temps de la chrétienté, en créant une communauté
charismatique dans les bois au nom de l'Évangile.
Contrairement aux Chartreux qui vivaient un érémitisme
solitaire, ils conçurent un érémitisme
communautaire, repas pris en commun et dortoir commun aux frères
et aux convers.
Son
initiateur : Étienne de Muret
Étienne,
né en 1046, était le fils aîné du vicomte
de Thiers. Après avoir passé son adolescence à
Rome, il revint à Thiers mais Il abandonna tous ses biens
matériels pour se retirer en 1076 dans le bois de Muret près
d'Ambazac (Hte Vienne). Étienne avait entendu l'appel du
Christ au jeune homme riche :
"Si
tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes,
donne le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel. Puis,
viens et suis moi ! ". Il
enseigne une règle unique : suivre l'Evangile, base de la
Règle de l'Ordre : "L'Évangile, tout l'Évangile,
rien que l'Évangile".
Vivant en ermite dans la forêt,
il fut rejoint par quelques disciples attirés par son exemple.
Étienne consacre une partie de son temps à les former .
Ainsi se forma une petite communauté spirituelle autour
d'Étienne. La qualité de son enseignement le rendit
célèbre et très nombreux furent les visiteurs
qui vinrent s'instruire auprès de lui. Après sa mort un
très grand nombre de miracles eurent lieu confortant la
sainteté de sa vie.
Naissance de l'Ordre.
A la mort d'Étienne, le 8
février 1124, ses disciples furent chassés du Bois de
Muret par les bénédictins d'Ambazac, qui avait donné
la jouissance du lieu sa vie durant à St Étienne, mais
non à sa communauté. La communauté dut
s'installer à 16 km plus au Nord sur un plateau granitique
situé au lieu-dit Grandmont , paroisse de St Sylvestre. C'est
à Grandmont que l'Ordre fut fondé, d'où son
nom.
Grâce aux libéralités du roi
d'Angleterre, Henri II Plantagenêt, alors maître du
Limousin par son mariage avec Aliénor d'Aquitaine, la
communauté de Grandmont fit construire un prieuré dont
l'église fut consacrée en 1166.
La règle de Grandmont.
La
règle de l'Ordre de Grandmont a été rédigée
vers 1140-1150 par Étienne de Liciac, le 4ème prieur,
en suivant les enseignements d'Étienne de Muret rapportés
par Hugues de Lacerta, son disciple préféré.
Cette règle comprend 65 articles et se base sur
l'ÉVANGILE.
Les grandmontains devaient vivre dans la
solitude d'un lieu retiré, refuser les possessions de terres
et de bétail. Ils refusaient toute fonction paroissiale, mais
accueillaient les pauvres dans leur maison.
Le Coutumier
organisait avec précision la vie de la communauté,
imposant le jeûne et le silence aux religieux.
L'Ordre de
Grandmont comprenait des frères laïcs, les convers, pour
les tâches matérielles, et des frères religieux,
les clercs, qui se consacraient à la prière. Mais tous
se trouvaient sur un pied d'égalité
Un dispensateur
était choisi parmi les convers pour diriger chaque maison.
cette disposition originale allait entraîner de multiples
conflits entre clercs et convers, et un seul prieur existait pour
réglementer tout l'Ordre à la Maison Mère de
Grandmont. Cette disposition entraînait en outre trop de
restrictions envers la propriété collective pour que
l'organisation de l'Ordre reste viable.
La Règle de l'Ordre
fut approuvée par le Pape Adrien IV le 25 mars 1156. Étienne
de Muret fut canonisé en 1189 par le Pape Clément III.
La cérémonie eut lieu à Grandmont, le 30 août
1189.
L'extension de l'Ordre.
La bienveillance des rois de France et
d'Angleterre vis à vis de l'Ordre de Grandmont fut à
l'origine de sa grande extension en France. Plus de 160 maisons
avaient été ainsi créées à la fin
du Xllle siècle avec 1200 religieux.
Avec l'extension de
l'Ordre celui-ci reçoit des aumônes. Des bienfaiteurs
donnent des rentes, des dîmes, des domaines. Les biens à
gérer deviennent importants. Mais de nombreux conflits
apparurent entre clercs et convers. En 1216, les maisons furent
placées sous l'autorité d'un Correcteur choisi parmi
les clercs. La révolte des convers entraîna la réforme
du Pape Jean XXII en 1317, avec la création de 39 prieurés
regroupant des maisons annexes, le prieuré de Grandmont
devenant abbaye, chef d'Ordre.
La Guerre de Cent Ans, les Guerres de
Religion et la commende furent les causes de l'affaiblissement de
l'Ordre du XlVe au XVle siècle.
La
commende.
Au XVIIe siècle, Léon X
par Concordat avait laissé au Roi de France la faculté
de présenter ses candidats aux évêchés et
abbayes. Il était stipulé par cet accord que les
candidats devaient appartenir au même ordre religieux que
l'abbaye où ils étaient nommés, mais cette
disposition fut vite écartée. Le candidat, appelé
abbé ou prieur commendataire, ne recevait aucune juridiction
spirituelle sur les religieux, mais percevait une part des revenus
sous le nom de mense abbatiale ou prieurale. Les revenus d'une abbaye
ou d'un prieuré provenaient des dons reçus en
contrepartie de services religieux que les moines devaient remplir.
La commende était donc une taxation sans contrepartie pour les
ordres monastiques.
Malgré
une réforme de ses institutions menée au XVlle par
Charles Frémon, l'Ordre périclita.
La destruction de
l'Ordre de Grandmont fut menée par Mgr Loménie de
Brienne, archevêque de Toulouse, et rapporteur devant la
Commission des Réguliers instituée par Louis XV en
1765, et Mgr. Plessis d Argentré, évêque de
Limoges, grand bénéficiaire de l'opération
.
L'extinction de l'Ordre fut prononcée par le pape Clément
XVI cédant aux instances de la Cour de France le 6 août
1772, mais ne fut confirmée par Louis XVI qu'en Mai 1784, le
parlement de Paris ayant mis obstacle .
Malgré la
résistance du dernier abbé de Grandmont, Xavier Mondain
de la Maison Rouge, l'Ordre disparut à sa mort le 11 avril
1787. Les derniers grandmontains quittèrent l'abbaye en
Juillet 1788 * . Les bâtiments de l'abbaye furent démolis
à la Révolution. L'Ordre de Grandmont avait vécu.
Le
nom de Bons Hommes désignant les Grandmontains reste avant
tout attaché à la mémoire de son fondateur :
St.-Étienne de Muret
Une architecture originale.
Les maisons grandmontaines ou celles
ont été construites selon un même plan en
utilisant au mieux les particularités du terrain et les
matériaux traditionnels du pays.
L'église
Avec sa nef unique, voûtée
en berceau brisé, l'église de Grandmont apparaît
simple et dépouillée. Sans aucune fenêtre
latérale, la nef n'est éclairée que par une
haute fenêtre percée dans le pignon ouest. Seule une
porte au fond de la nef donnait l'accès aux fidèles.
Près
du chœur, une petite porte s'ouvre sur la cour du cloître pour
la circulation des frères.
Le
chœur se termine par une abside plus large que la nef
(caractéristique originale) éclairée par trois
fenêtres à large embrasure intérieure. On peut y
voir deux niches, un lavabo au Nord et une armoire liturgique au
Sud.
L'abside des églises de Grandmont présente soit
une voûte en cul de four soit une voûte d'arêtes.
Le chevet de l'église fait une saillie par rapport à
l'aile Est des bâtiments conventuels. Le chevet est soit
semi-circulaire soit à pans coupés, contrebuté
souvent par des colonnes engagées.

Plan-type
des monastères grandmontains
1
entrée des hôtes - 2 abri des fidèles - 3 église
- 4 passage vers le cimetière - 5 cloître - 6 salle
capitulaire - 7 cellier - 8 avant cellier - 9 réfectoire - 10
cuisine - 11 salle des hôtes.
Les bâtiments conventuels.
Les bâtiments conventuels
formaient avec l'église un quadrilatère complet autour
de la cour du cloître.
A noter que la majorité des
églises grandmontaines est située au Nord des bâtiments
conventuels, une minorité se trouvant au Sud.
Ce choix
semble avoir été dicté par la pente du terrain
sur lequel devait être construit la celle afin de permettre
l'évacuation par la cuisine des eaux pluviales du cloître
et des eaux usées.
L'aile Est.
On y trouve au rez-de-chaussée
le passage voûté allant du cloître au cimetière,
la salle capitulaire et la salle des convers ou cellier.
Généralement
la salle capitulaire est la plus belle pièce du monastère
avec ses voûtes et sa décoration (chapiteaux). Elle
s'ouvre sur le cloître par une porte centrale et de larges
baies. Du cloître, on accédait à l'étage
où se trouvait le dortoir des moines par un escalier
extérieur. A l'extrémité du dortoir, une petite
salle voûtée accolée à l'église
servait d'oratoire ou d'infirmerie, car une ouverture dans la voûte
du sanctuaire permettait d'assister aux offices de cette pièce.
L'aile Nord (ou Sud)
Le
bâtiment Nord (ou Sud) comprenait le réfectoire qui
communiquait avec la cuisine par un passe-plat. A l'étage une
salle servait sans doute de lingerie accessible du dortoir par un
étroit couloir.
L'aile Ouest
Le bâtiment Ouest servait
d'hôtellerie pour les pèlerins avec un réfectoire
au rez-de-chaussée. Un escalier permettait l'accès au
dortoir situé à l'étage. Ce bâtiment a été
très souvent remanié au cours des siècles,
surtout par les prieurs commendataires qui l'avaient transformé
pour leur usage personnel.
Le cloître.
Les galeries du cloître, le plus
souvent couvertes d'une toiture charpentée s'appuyant sur les
murs par des corbeaux de pierre, étaient soutenues, par des
colonnes avec chapiteaux surmontés d'arcs de pierre. Quelques
rares cloîtres grandmontains étaient entièrement
voûtés.
L'enclos.
Chaque
celle grandmontaine se trouvait à l'intérieur d'un terrain clôturé par
un mur de pierre, protégé à l'extérieur par un fossé.Carte de situation